La notion de durabilité suscite un intérêt grandissant dans les sports d’endurance.
Pourquoi deux coureurs ayant un même chrono sur semi-marathon ont parfois plusieurs heures d’écart sur un trail de 100 Km ?
La performance en trail et en course à pied est traditionnellement définie par le VO2Max, la fraction de VO2Max utilisée et l’économie de course.
Cependant, plus la distance s’allonge et plus la notion de durabilité devient clé. La durabilité représente la capacité à maintenir les indicateurs physiologiques précédemment cités le plus haut possible durant toute une épreuve.
Par exemple, en trail, l’économie de course diminue notamment sous l’effet d’une perte de force maximale.
Dès lors, deux questions logiques émergent. Comment mesurer cette durabilité ? et comment l’améliorer ? Je vais traiter ici la question de la mesure.
Un récent article de Hunter et al., Durability as an index of endurance exercise performance: Methodological considerations, s’est penché sur le sujet.
Son objectif est de définir des cadres méthodologiques afin de quantifier la durabilité. Ce papier évoque notamment des méthodes employées en laboratoire. Bien qu’elles soient très intéressantes, elles ne sont pas à la portée de la majorité des athlètes car contraignantes financièrement ou logistiquement. Je me concentre sur les méthodes dites de “terrain”.
Les méthodes terrains ont pour avantage d’être réalisées plus souvent et de permettre un suivi long terme tout au long de la saison. Elles ont l’inconvénient d’être effectuées dans des contextes différents à chaque fois. En effet, la température, l'humidité, le dénivelé, la qualité du terrain, la précision des instruments de mesure, le statut nutritionnel, le sommeil, … sont autant de variables qui rendent difficiles l’analyse.
On distingue deux méthodes principales.
- La quantification de la durabilité au sein d’une même séance.
- La détermination d’un profil de vitesse après une certaine quantité d’effort fourni.
Quantification de la durabilité au sein d’une même séance.
L’objectif de cette méthode est d’observer l’évolution du rapport charge externe - charge interne au cours d'une séance.
La charge interne est caractérisée par un pourcentage de fréquence cardiaque maximale.
La charge externe est représentée par un pourcentage de vitesse critique. Vitesse critique est, approximativement, la vitesse associée au second seuil.
Cette méthode est employée dans l’article de Smyth et al., Decoupling of Internal and External Workload During a Marathon: An Analysis of Durability in 82,303 Recreational Runners. Les auteurs y ont analysé la durabilité des marathoniens en comparant le ratio charge externe - charge interne sur les segments 5Km - 10 Km et 35 Km - 40 Km.
En trail long, l’effort réalisé se situe autour du premier seuil. Il est donc intéressant de réaliser des séances très longues en endurance fondamentale et de mesurer le ratio charge externe - charge interne sur des tranches de 20 minutes lors de sorties de plusieurs heures; puis de constater l’évolution de ce ratio.
La charge externe sera cette fois la Vitesse Ajustée à la Pente (VAP) et non la vitesse. Il est donc nécessaire de détenir un modèle de VAP propre à l’athlète ou bien de choisir des modèles de VAP généraux à l’instar de ceux proposés par Nolio ou Strava tout en sachant que ces derniers ne sont pas individualisés.
Ci-dessous, j'expose l'évolution du ratio charge externe - charge interne d'un athlète qui prépare actuellement le 90 Km du Grand Raid du Ventoux by UTMB. C'est une sortie de 6h au ressenti de l'effort niveau 3 (RPE 3) en endurance fondamentale. J'ai calculé ce ratio uniquement lors des phases de montée.
C'est un athlète qui reste durable après 6 heures de course. Les données ne suivent pas une tendance linéaire car c'est ... du trail. Les pourcentages de pente ne sont pas les mêmes, le terrain évolue sur une sortie de 50Km, la température et l'ensoleillement n'étaient plus les mêmes en fin de sortie. La nutrition et l'hydratation sont, elles, contrôlées: 500ml/h d'eau et 80g/h de glucides. Malgré tous ces paramètres, on ne dénote a priori aucun effondrement et ses retours terrains sont positifs: "J'ai facilement réussi à courir en montée après 5h"
Mieux encore. Afin de ne pas être dépendant du dénivelé et de VAP trop approximatives, il est intéressant de choisir un circuit de 5Km à 10KM, à réaliser plusieurs fois et de mesurer le ratio charge externe - charge interne à chaque tour. L’intérêt est de déterminer après quelle quantité de travail (ici la combinaison kilomètres - dénivelé), l’athlète commence à perdre en efficacité, c'est-à-dire quand sa vitesse décroît significativement alors que sa fréquence cardiaque est stable.
Déterminer un profil de vitesse après plusieurs kilomètres d'effort
La seconde option est de déterminer différents profils de vitesse sous fatigue.
Pour rappel, la durabilité est la capacité à maintenir des déterminants physiologiques le plus haut possible durant une épreuve de longue durée. L’un de ces déterminants est le second seuil, dont la vitesse associée peut être approchée par le calcul de la vitesse critique.
Pour estimer la durabilité de la vitesse associée à son second seuil, l’athlète peut réaliser les mêmes tests que ceux réalisés au repos pour déterminer vitesse critique, mais ce après 10Km, 20Km, 30Km, 40Km, … d’effort. Je te partage dans cet article la méthode pour mesurer vitesse critique.
Le degré de détérioration de vitesse critique l’aiguillera sur le kilométrage à partir duquel il est moins durable.
Il est important de noter que l’effort fourni avant le test doit rester constant et proche de l’intensité visée lors de l’épreuve. Les efforts fournis au-dessus de la vitesse critique influencent fortement la durabilité et perturbent son évaluation
Je ne m’appuis pas sur ce second type de test pour deux raisons:
- Ils demandent à l’athlète de réaliser des efforts maximaux après plusieurs heures d’efforts et ce plusieurs fois afin d’obtenir le profil le plus complet. C’est contraignant psychologiquement et source de blessures.
- La valeur de vitesse critique m’intéresse peu en trail longue distance car les coureurs s’en approchent peu. Je préfère observer le ratio charge externe - charge interne après plusieurs heures. Je fais le même constat pour les athlètes courant le marathon en 4h et plus, dont l’intensité marathon est proche de leur endurance fondamentale. Pour les athlètes en 3h et moins, courant proche de leur vitesse critique, ces mesures seraient très intéressantes mais impossibles à mettre en place à l'entraînement. Je ne peux pas demander à un athlète de courir 2h à allure marathon puis d’enchainer sur un test à intensité maximale de 15 minutes. En cyclisme, cette méthode est cependant très intéressante. Ce sport se caractérise par des phases sous le second seuil suivies de phases d'attaques largement au-dessus du second seuil. Il devient alors crucial de connaître son potentiel après 5 heures de course pour quantifier la longueur et l'intensité de l'attaque.
Si tu es arrivé(e) jusqu'ici, il ne reste plus qu'à mettre en place tous ces éléments dans ton entrainement.
A bientôt,
Maxime